RFI Musique - Rencontre - Miossec & Tiersen ensemble sur scène

Miossec et Tiersen. Bretons, Brestois même, personnalités au caractère bien trempé, figures emblématiques issues de la scène bretonne, deux univers parallèles qui devaient bien finir par se rencontrer un jour. Voilà qui est fait. Créé le 22 janvier au Quartz de Brest, leur duo va "payer sa tournée" jusqu'au 4 février pour une poignée de dates. A Lorient, les deux flibustiers rodaient leur spectacle les 27 et 28 janvier. Récit d'une expérience troublante où la voix de l'un se fond dans la musique de l'autre. Grand théâtre de Lorient, 20h40. La salle est pleine, comme le seront toutes celles qui accueilleront le projet pendant la tournée. C'est sur des tonalités très douces, intimes, des éclairages aux couleurs tendres, que se lève le rideau "ça nous arrange bien, cette pénombre, on se sent protégés" commentera Christophe Miossec, backstage. Un éclairage si méticuleusement dosé par Lolo Coat que Yann Tiersen peut s'y planquer à loisir, ce qu'il ne manque pas de faire. Déjà peu démonstratif au naturel, l'association avec un chanteur plus loquace l'arrange bien, on dirait... Christophe, de son côté, semble un peu répugner à prendre tout l'espace, comme s'il avait des scrupules à focaliser l'attention. Il s'agenouille pour lire les chansons sur un petit pupitre posé sur la scène tandis que Yann murmure un merci du bout des lèvres, baisse la tête en direction de sa guitare, ou tourne carrément le dos au public pour se mettre au piano et faire jaillir - trop rarement - une de ses mélodies à la Satie. Alignés à leurs côtés comme un bataillon de fusiliers marins, Gaëlle Kerrien, ex-chanteuse du groupe brestois Beth, Arnaud Dieterlen, batteur de Miossec, Marc Sens et Stéphane Bouvier guitariste et bassiste, compagnons de Tiersen. Comme Christine Ott, qui joue des ondes Martenot sur la pointe de ses pieds nus, imprimant une couleur un peu sombre à l'ensemble, façon Mercury Rev, lors des passages chantés par Gaëlle. Des titres pour le prochain album de Miossec L'ensemble, survolé par le grain de Miossec, donne une tonalité plutôt rock, flirtant avec effets, dissonances et couleur électro, allant et venant sans cesse de l'univers de l'un à celui de l'autre, brouillant les pistes de manière assez déstabilisante, voire émouvante. D'autant plus qu'excepté Je m'en vais de Miossec et Ainsi soit-elle sur un texte de Georges Perros (album Brûle), tous les titres sont des inédits, composés à quatre mains, qu'on retrouvera en septembre sur l'album de Miossec. Des textes qu'on se plait à écouter d'une oreille attentive, leur matière partant dans d'autres directions que celles prises le plus souvent par Miossec, à savoir amours déchirées et passion destructrice. Ici on parle des joggeurs du dimanche, de fortune de mer, du catholicisme ou du monde du travail comme sur le très brut et très beau Chiens de paille. De ce concert d'une petite heure et demie, on conservera une drôle d'impression, comme le trouble d'avoir poussé la porte d'un studio de répétition sans y avoir été invité, assistant à la rencontre pudique de deux artistes introvertis et farouches... Isabelle  Nivet