Yann Tiersen, couleur rock après l'automne

Le chanteur sort « On Tour », nouvel album enregistré en public. Dernier concert parisien de sa tournée ce soir, avant un nouveau tour d'Europe. QUAND il a quitté la pénombre des disques à petits budget et des ­apparitions marginales, quand il est apparu dans le paysage mouvant des espoirs des musiques ­populaires, on ne savait guère où caser Yann Tiersen. L'anneau d'or à l'oreille, la tignasse froissée et la bouteille de bière tenue par le col l'excluaient du cercle subventionné des « nouvelles musiques » ; le violon, la mélancolie, les couleurs automnales de ses chansons semblaient le protéger de la contagion rock. Vers 1998-1999 montait lentement son étoile d'inclassable, de compositeur instinctif, d'architecte en climats nostalgiques. Puis survint Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, au printemps 2001, et tout s'envola : la bande originale du film était composée pour une part de morceaux tirés de ses disques précédents, pour l'autre de titres originaux. Le grand public apprenait le nom de Yann Tiersen, le disque d'Amélie se répandait par millions d'exemplaires partout dans le monde... Avec son violon de marin débarqué et ses airs de Nino Rota celte, on continuait de le ranger ailleurs, même si le ban et ­­­­­­l'arrière-ban du rock trentenaire français se donnaient rendez-vous dans ses disques et ses concerts, arpentait ses brumes et se décrassait du fracas amplifié habituel. On ignorait que Tiersen se languissait. « Comme j'ai commencé seul, tout était axé sur la déambulation d'un instrument à l'autre, et cela a continué même quand on était à neuf sur ­scène, explique-­t-il. Avant, aller d'un instrument à l'autre variait les plaisirs mais avec le temps c'est devenu un poids. Tout seul, même en passant de l'accordéon au piano, je n'avais plus ni l'envie, ni le courage de triturer ou de déformer les morceaux. J'ai voulu quelque chose de plus stable, privilégier l'énergie... » Bonne vieille logique Au printemps 2005, il sort Les Retrouvailles et, pour la tournée qui suit, décide de rompre avec sa manière : il monte un groupe avec batterie, basse et guitare et se convertit à la bonne vieille logique rock, dont témoigne On Tour, son nouvel album et DVD (chez Virgin Labels). L'énergie a changé : certes, il reste sur scène les pianos-jouets et le petit xylophone de La Valse d'Amélie, mais la plupart du temps, Tiersen est à la guitare électrique. Derrière lui, les ondes Martenot de Christine Ott, qui a aussi complètement changé son jeu : « Quand on a commencé à travailler ensemble, elle jouait des parties que j'avais écrites pour elle. Maintenant, c'est elle qui trouve ses parties et nous sommes tous dans cette optique, chacun va au bout de sa musique. Je pars du principe que quand je collabore avec quelqu'un, je lui fais confiance. Je n'ai pas envie de diriger. » Ce qui fait d'On Tour beaucoup plus que le témoignage live d'une tournée (même si, sur le DVD, le film d'Aurélie du Boys, ­virtuose et inspiré, est un modèle du genre). On y trouve de nouvelles compositions au climat parfois franchement électrique, parentes de Mogwai ou de Tortoise, mais aussi quelques réalités neuves de la musique en France, comme ­cette reprise au dernier Printemps de Bourges de Ma France à moi, de et avec la rappeuse Diam's. « Ce jour-là, à Bourges, on s'est retrouvés à discuter après le concert, ­Diam's, Grégoire, des Têtes Raides, Dominique A et moi. Des gens d'horizons musicalement différents avec les mêmes convictions. Peu importe la forme, on fait la même chose. » Il joue ce soir à Paris, au Bataclan, de retour de tournée en Australie, en Indonésie et en Chine. Pour 2007, il prévoit une longue tournée européenne, l'Amérique du Sud et un autre voyage en Asie... « Ce qui est salvateur, c'est qu'il n'y a pas de « bobos » ailleurs qu'en France. Ce qui est très français, c'est le second degré, l'analyse immédiate de tout ce que l'on voit. Ici, on sent que les gens, pendant le concert, sont déjà en train de penser à ce qu'ils vont en dire après. » Puis il devrait interrompre les voyages, sauf pour « peut-être quelques concerts en ­solo ». Un nouvel album ? « Jusqu'ici, j'avais vraiment du mal à me mettre au travail. Je pouvais avoir l'angoisse de la feuille blanche. Du coup, il me fallait un moment de décompression pour retrouver ­l'envie et le besoin de travailler. Je ne me mettais à travailler sur un ­album qu'après de longues périodes à ne rien faire. Avec cette tournée, les choses changent : dès qu'il y a un nouveau morceau, on le répète et on le joue le soir même. » Ainsi des reprises, apprises à l'origine pour des émissions de radio, comme All You Ever Wanted Was Everything, de Bauhaus ou Porcherie, de Bérurier Noir... « Maintenant, on finit le concert sur Porcherie. C'est rigolo. » Il rit. Yann Tiersen, rocker... Réagir dans le forum Haut de page ^ Le chanteur sort « On Tour », nouvel album enregistré en public. Dernier concert parisien de sa tournée ce soir, avant un nouveau tour d'Europe. QUAND il a quitté la pénombre des disques à petits budget et des ­apparitions marginales, quand il est apparu dans le paysage mouvant des espoirs des musiques ­populaires, on ne savait guère où caser Yann Tiersen. L'anneau d'or à l'oreille, la tignasse froissée et la bouteille de bière tenue par le col l'excluaient du cercle subventionné des « nouvelles musiques » ; le violon, la mélancolie, les couleurs automnales de ses chansons semblaient le protéger de la contagion rock. Vers 1998-1999 montait lentement son étoile d'inclassable, de compositeur instinctif, d'architecte en climats nostalgiques. Puis survint Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, au printemps 2001, et tout s'envola : la bande originale du film était composée pour une part de morceaux tirés de ses disques précédents, pour l'autre de titres originaux. Le grand public apprenait le nom de Yann Tiersen, le disque d'Amélie se répandait par millions d'exemplaires partout dans le monde... Avec son violon de marin débarqué et ses airs de Nino Rota celte, on continuait de le ranger ailleurs, même si le ban et ­­­­­­l'arrière-ban du rock trentenaire français se donnaient rendez-vous dans ses disques et ses concerts, arpentait ses brumes et se décrassait du fracas amplifié habituel. On ignorait que Tiersen se languissait. « Comme j'ai commencé seul, tout était axé sur la déambulation d'un instrument à l'autre, et cela a continué même quand on était à neuf sur ­scène, explique-­t-il. Avant, aller d'un instrument à l'autre variait les plaisirs mais avec le temps c'est devenu un poids. Tout seul, même en passant de l'accordéon au piano, je n'avais plus ni l'envie, ni le courage de triturer ou de déformer les morceaux. J'ai voulu quelque chose de plus stable, privilégier l'énergie... » Bonne vieille logique Au printemps 2005, il sort Les Retrouvailles et, pour la tournée qui suit, décide de rompre avec sa manière : il monte un groupe avec batterie, basse et guitare et se convertit à la bonne vieille logique rock, dont témoigne On Tour, son nouvel album et DVD (chez Virgin Labels). L'énergie a changé : certes, il reste sur scène les pianos-jouets et le petit xylophone de La Valse d'Amélie, mais la plupart du temps, Tiersen est à la guitare électrique. Derrière lui, les ondes Martenot de Christine Ott, qui a aussi complètement changé son jeu : « Quand on a commencé à travailler ensemble, elle jouait des parties que j'avais écrites pour elle. Maintenant, c'est elle qui trouve ses parties et nous sommes tous dans cette optique, chacun va au bout de sa musique. Je pars du principe que quand je collabore avec quelqu'un, je lui fais confiance. Je n'ai pas envie de diriger. » Ce qui fait d'On Tour beaucoup plus que le témoignage live d'une tournée (même si, sur le DVD, le film d'Aurélie du Boys, ­virtuose et inspiré, est un modèle du genre). On y trouve de nouvelles compositions au climat parfois franchement électrique, parentes de Mogwai ou de Tortoise, mais aussi quelques réalités neuves de la musique en France, comme ­cette reprise au dernier Printemps de Bourges de Ma France à moi, de et avec la rappeuse Diam's. « Ce jour-là, à Bourges, on s'est retrouvés à discuter après le concert, ­Diam's, Grégoire, des Têtes Raides, Dominique A et moi. Des gens d'horizons musicalement différents avec les mêmes convictions. Peu importe la forme, on fait la même chose. » Il joue ce soir à Paris, au Bataclan, de retour de tournée en Australie, en Indonésie et en Chine. Pour 2007, il prévoit une longue tournée européenne, l'Amérique du Sud et un autre voyage en Asie... « Ce qui est salvateur, c'est qu'il n'y a pas de « bobos » ailleurs qu'en France. Ce qui est très français, c'est le second degré, l'analyse immédiate de tout ce que l'on voit. Ici, on sent que les gens, pendant le concert, sont déjà en train de penser à ce qu'ils vont en dire après. » Puis il devrait interrompre les voyages, sauf pour « peut-être quelques concerts en ­solo ». Un nouvel album ? « Jusqu'ici, j'avais vraiment du mal à me mettre au travail. Je pouvais avoir l'angoisse de la feuille blanche. Du coup, il me fallait un moment de décompression pour retrouver ­l'envie et le besoin de travailler. Je ne me mettais à travailler sur un ­album qu'après de longues périodes à ne rien faire. Avec cette tournée, les choses changent : dès qu'il y a un nouveau morceau, on le répète et on le joue le soir même. » Ainsi des reprises, apprises à l'origine pour des émissions de radio, comme All You Ever Wanted Was Everything, de Bauhaus ou Porcherie, de Bérurier Noir... « Maintenant, on finit le concert sur Porcherie. C'est rigolo. » Il rit. Yann Tiersen, rocker...