Les ondistes du Canada par Damien Charron - Partie 4 : Marie Bernard

La FEAM a des amis partout dans le monde, en particulier au Canada avec la classe d’ondes Martenot du conservatoire de Montréal. A ma demande, Damien Charron,* profitant d’un séjour outre atlantique en septembre 21, a mené des entretiens avec les principales personnes du milieu des ondes, avec comme objectif de faire le point sur la situation de l’instrument et de son répertoire au Canada.  

Nous sommes heureux de vous présenter les acteurs de cet univers sur le site de la Fédération Martenot, les différents articles sont publiés en épisodes.  

Bonne lecture. 

Ariane Martenot

*Adhérent de la FEAM, Damien Charron s’intéresse aux Ondes Martenot comme compositeur, dont l’écriture s’appuie sur les recherches de timbre, le geste musical, l’énergie du son et les modes de jeux instrumentaux. Il a composé un trio pour Ondes Martenot (http://www.damiencharron.com/). Les enjeux pédagogiques lui tiennent aussi à cœur, ayant dirigé pendant 35 ans des conservatoires de musique.

Les ondistes du Canada par Damien Charron - Partie 1 : Jean Laurendeau

Les ondistes du Canada par Damien Charron - Partie 2 : Estelle Lemire

Les ondistes du Canada par Damien Charron - Partie 3 : Suzanne Binet-Audet et Caroline Martel

ENTRETIEN AVEC MARIE BERNARD
LE 7 OCTOBRE 2021 A DISTANCE

Marie Bernard

Cet entretien s’est déroulé à distance par Skype. Marie Bernard habite dans la région montagneuse de Charlevoix au Québec, en pleine nature, à quelques kilomètres d’une agglomération au nom pittoresque, « Les Éboulements ».

Rappelons l’objectif général : faire le point sur les ondes Martenot au Canada tout en valorisant les acteurs de cet univers auprès de la Fédération Martenot sur son site.

A une première question sur les difficultés d’accès à l’instrument, Marie Bernard rapporte son expérience récente.

En 2018, lorsque David Kean, après avoir racheté le brevet d’Ambro Oliva, reconstruit un modèle d’ondéa, c’est elle qui l’essaye la première. Elle doit le retourner par deux fois ; il se désaccorde très vite et souffre de problème d’alimentation. Il faut se rappeler la grandeur des distances au Canada. David Kean qui réside dans l’Alberta se trouve à plus de trois mille kilomètres du Québec.

Une fois ces problèmes résolus, l’ondéa se révèle agréable à jouer dans sa version mise à jour en 2019. De ce fait, Marie Bernard remise son instrument originel, fabriqué par Maurice Martenot. Elle a connu quelques désagréments : en plein milieu d’un concert, il s’est désaccordé. Jean Landry a diagnostiqué une panne irréparable, due à un composant qui n’est plus fabriqué. De plus, cette panne pourrait se reproduire de façon intermittente.

Néanmoins, grâce à l’aide de ce dernier, Marie Bernard peut connecter son ondéa aux deux diffuseurs de son instrument précédent. Elle bénéficie ainsi du clavier fiable et de la puissance sonore de l’ondéa ainsi que de la qualité du timbre de son instrument originel. Elle ne possède malheureusement pas la palme ni le gong, et espère donc que le travail de David Kean pour fabriquer une palme va aboutir.

Ces réflexions amènent à parler de l’activité artistique de Marie Bernard, à la fois compositrice et interprète.

Son dernier spectacle, créé en 2017 et tourné en 2018 et 2019, s’intitule «Longueur d’ondes et histoires brèves ». Il alterne des chansons composées et chantées par Marie Bernard, et des textes lus par son auteure, Sylvie Massicotte, « nouvelliste » (en France on dirait écrivaine) et parolière. En outre, Marie Bernard s’accompagne à l’ondéa et au synthétiseur et improvise deux interludes au cours de cette lecture mise en scène.

Parallèlement se réalise en 2019 l’enregistrement, dans la salle Oscar
Peterson de l’université Concordia (Montréal), de ses œuvres chorales et instrumentale s, dont les Huit Haïkus pour trio d’ondes Martenot et grand chœur. Cet enregistrement est paru chez la firme discographique
québécoise indépendante ATMA classique.

Cela donne une idée de la carrière artistique variée de Marie Bernard. Elle compose des musiques de films, de théâtre, de séries télévisées (à cette occasion, on lui a même fait le reproche de trop capter l’attention des spectateurs au détriment de l’image). Elle improvise également aux ondes Martenot pendant les séminaires du psychanalyste Guy Corneau. Elle participe à l’Ensemble d’Ondes de Montréal, à géométrie variable, et qui reprend les Fêtes des belles eaux d’Olivier Messiaen. Elle joue aussi au côté d’Estelle Lemire à Nashville dans un festival de musique contemporaine pour une création. Plus en amont, dans les années 1970, elle joue dans le groupe Et Cetera, classé dans la musique appelée « progressive », assurant la première partie du célèbre groupe de rock « Gentle Giant ». La présence de son instrument représente une audace innovante dans ce milieu musical.

Si elle n’a pas enseigné l’instrument, elle reste très attachée à le faire aimer, trouvant que le son du ruban est comme « une extension de son âme ». Cela tient pour elle du sacré.

Toujours désireuse de composer des miniatures pour son instrument associé à la voix humaine (même si écrire pour une formation comme un grand chœur et un trio d’ondes Martenot se révèle difficile à réaliser), elle pense néanmoins que l’avenir de cet instrument reste incertain.

Damien Charron