Témoignages sur Christine SAÏTO
C'est avec tristesse que nous avons appris la mort de Christine Saïto dont beaucoup d'entre nous ont été les élèves. Voici deux textes, deux témoignages transmis par deux de ses amis :
D'abord un texte de Suzanne Colson :
« Je suis toujours étonnée et émue quand je reçois des témoignages de reconnaissance.
Je n’ai rien fait que transmettre. Mais moi-même, j’ai appris, en enseignant, quelque chose qui m’aide à supporter ce grand âge : la patience ».
Qu’ajouter à ces mots qu’écrivait Christine SAÏTO le 12 janvier 2010 ? Ils disent son humilité, l’authenticité de son rôle de passeur, la richesse de son chemin où ceux qui l’y ont rencontrée ont puisé un peu de sa sagesse, de sa rigueur, de ses enthousiasmes toujours discrets.
Quelques souvenirs peut-être :
Les 2 années de formation au professorat en relaxation active Martenot dans le chaleureux appartement de la rue Amelot ; les assemblées générales de Spirale qui s’y tenaient et la saveur des pâtisseries qu’elle nous y proposait ; l’exposition des photos de son mari qu’elle y avait organisée.
La merveilleuse « Maison de la Forêt » qui se fondait dans les arbres avec ses grandes baies vitrées et le coin de forêt où elle pratiquait son taï chi quotidien.
Plus personnellement, ces cartes reçues, et en particulier celle au recto de laquelle était simplement imprimée cette citation : « Je cherche deux notes qui s’aiment » Mozart.
Relus et « goûtés » ses poèmes, recueillis et illustrés de calligraphies dans un modeste petit livre, suffisent à nous révéler sa délicatesse et sa qualité d’âme.
Merci Christine d’être devenue qui vous étiez.
Suzanne Colson
Et un texte de Samy Bosky :
La dernière fois que j'ai revu Christine, c'était, il n'y a pas longtemps, le 26 mars de cette année.
Comme à chaque fois que je lui rendais visite chez elle, dans son appartement de la rue Amelot, j'arrivais avec deux gâteaux achetés dans la pâtisserie qu'elle m'a toujours recommandée comme étant une des meilleures de Paris, au début du Boulevard Voltaire.
Assis face à la cheminée avec une tasse de thé, nous avons pris un grand plaisir à déguster ces gâteaux vraiment délicieux.
Je n'oublierai jamais cette dernière rencontre, pas seulement à cause ou grâce à ces pâtisseries succulentes, mais surtout pour la qualité et la chaleur de notre entretien. Je trouvais aussi Christine mieux que la dernière fois où je l'avais vue. Nous avons bavardé un peu de tout, de sa santé, de son lent détachement de la vie, de son manque de désirs, de sa solitude, de nos souvenirs communs à l'école Martenot à Neuilly....et tout cela avec beaucoup de sérénité.
Et puis, pour la première fois (allez savoir pourquoi ?), Christine a insisté pour que je lui raconte mon enfance et ma jeunesse. Sans doute pressentait-elle quelque chose d'un destin pas comme les autres et souhaitait-elle le découvrir ?
Orphelin de guerre à l'âge de dix ans, suite à la déportation de mes parents à Auschwitz en juillet 1942, elle ne comprenait toujours pas comment presque tout un peuple (le peuple allemand) elle qui était d'origine allemande, avait pu adhérer au nazisme et à tous ses crimes. C'était au-delà de son entendement. Et pourtant cela a existé !
J'ignorais si elle savait ou si elle découvrait que j'étais une victime de la barbarie nazie. Nous n'en n'avions jamais parlé ensemble auparavant. Pourtant, dès notre première rencontre à l'école Martenot de Neuilly, nous avons sympathisé et notre affection l'un pour l'autre n'a fait que s'amplifier au cours des années de travail de la relaxation active aux côtés de Maurice Martenot, notre Maître.
Christine fut longtemps la collaboratrice fidèle et studieuse de Maurice Martenot. Aujourd'hui et pour toujours leurs noms resteront associés: c'est en grande partie grâce à Christine Saïto que Maurice Martenot se décida à écrire leur très beau livre qui s'est d'abord intitulé: "Se relaxer: pourquoi ? comment ?" et qui aujourd'hui est devenu :"La relaxation active".
Christine fut aussi un remarquable professeur de relaxation active, à l'écoute de ses élèves. C'était une femme qui exigeait beaucoup de rigueur pour elle-même et pour les autres mais qui n'a jamais fait preuve de rigidité, bien au contraire, elle faisait appel à l'imagination et à la créativité des élèves afin d'enrichir constamment la méthode et les exercices de Martenot dont la devise est restée la même: "L'esprit avant la lettre, le coeur avant l'intellect" qui guide tout notre travail. Christine elle-même ,était un merveilleux exemple de créativité qui à ses heures fut une artiste et une poétesse avec ses " Visions fugitives" (sortes de haïkus' ), petits poèmes de quelques lignes qu'elle illustrait seule avec des lettres japonaises) que nous avons pu faire éditer par les Editions de l'Amandier.
Personnellement j'ai beaucoup appris de Christine sur tous les plans, humain, professionnel, artistique , créatif....Elle m'a toujours gratifié d'une généreuse affection et c'était réciproque. Avant de nous séparer ce soir-là elle m'a 'offert un livre qu'elle avait elle-même relié d'une magnifique reliure. N'ai-je pas déjà dit que c'était une artiste?
Avant de nous quitter ce soir-là, une maman et ses deux enfants (voisins du dessus de Christine) sont venus lui souhaiter une bonne soirée. J'ai senti que cela faisait très plaisir à Christine qui montra aux enfants la sculpture que leur mère venait faire chez elle pendant ses moments de liberté. Les rires et les cris des enfants nous mirent à nous, adultes, du baume au cœur . C'était comme un rayon de soleil que Christine apprécia tout particulièrement. Ce fut un moment très heureux pour nous tous.
En nous séparant, Christine et moi, nous nous sommes embrassés et dit: A bientôt!
Je n'imaginais pas qu'elle nous quitterait si vite.
Dors en paix, Christine,tu seras toujours vivante dans mon cœur .
Samy
Trégastel le 1er juin 2013