Le Monde.fr : Musique : sous la direction de Pierre Boulez, un chef-d'œuvre de Jolivet
LE MONDE | 21.11.05 | 14h47 • Mis à jour le 21.11.05 | 14h47
la surprise générale, Pierre Boulez dirigeait, le 19 novembre, les Cinq danses rituelles d'André Jolivet (1905-1974) que, dans son irrévérencieuse jeunesse, il surnommait "Joli Navet" (Le Monde du 19 novembre). Arrivé en avance au concert, organisé par le Conservatoire et la Cité de la musique, à Paris, on a eu envie d'acheter la nouvelle biographie consacrée par Lucie Kayas au compositeur français (Fayard, 620 p., 28 euros), dont le centenaire de la naissance est fêté. La librairie de la Cité de la musique ne l'a pas. "On n'a pas pu le commander", sera la réponse, sibylline, des responsables. On est décidément loin du lieu pluridisciplinaire que Pierre Boulez appelait naguère de ses vœux, "qui prenne en compte le besoin de découverte et d'initiation des amateurs comme des professionnels."
Les Cinq danses rituelles sont plus connues dans leur version pour piano (1939) que dans celle pour orchestre (1940-1941). Elles témoignent que le jeune Jolivet a su éviter de tomber dans le panneau du sous-Stravinsky, du sous-Varèse, du sous-Messiaen, du sous-Schoenberg et du sous-Bartok, ce qui est un talent en soi. Certes, à comparer ses Danses rituelles aux Poèmes pour mi (1936-1937), chef-d'œuvre pour chant et orchestre trop peu donné d'Olivier Messiaen (1908-1992) et chantés superbement ce même soir par Yvonne Naef, pourtant souffrante, ainsi qu'annoncé et constaté, on réalise que Jolivet n'a pas d'univers harmonique et stylistique immédiatement repérable. Pour autant, ses Danses rituelles sont une manière de chef-d'œuvre incontestable.
En comparaison, Ecuatorial (1934, révisé en 1961) d'Edgar Varèse (1883-1965), le professeur de Jolivet, a l'air d'une partition factice et creuse, avec ses effets grandiloquents de parlé-chanté de la part du choeur d'hommes, ses chatteries de science-fiction émises par deux ondes Martenot aux glissandos à donner le mal de mer... Ecuatorial est une bluette faussement barbare comparée au chef-d'œuvre tellurique de Varèse qu'est Arcana (1925-1927), par exemple.
Mais puisqu'il s'agissait d'illustrer la notion de "rituel" et de "primitivisme" en musique, pourquoi ne pas avoir donné le rarissime et génial Chôros n° 10 (1926) de Heitor Villa-Lobos (1887-1959), une partition pour chœur et orchestre à l'intersection étonnante d'une esthétique "primitive" et "mécaniste" ? En apparence moins intimidés par Pierre Boulez que ne l'était récemment l'Orchestre philharmonique de Radio France (Le Monde du 12 novembre), les jeunes instrumentistes de l'Orchestre du Conservatoire de Paris ont joué avec brio. La direction de Pierre Boulez était merveilleuse de souplesse calme. Œuvres de Varèse, Jolivet et Messiaen par Yvonne Naef (mezzo-soprano), Chœur de l'Armée française, Orchestre du Conservatoire, Pierre Boulez (direction).
Cité de la musique, Paris, le 19 novembre. Prochain concert de la série "Les Folklores", mardi 22 novembre, par les solistes de l'ensemble InterContemporain. Œuvres de Janacek, Kodaly, Bartok et Chostakovitch.
Cité de la musique, Amphithéâtre. Tél. : 01-44-84-44-84. 28 euros. Renaud MachartArticle paru dans l'édition du 22.11.05
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